Benoît XVI et Vladimir Volkoff


« Parmi les Églises et les communautés chrétiennes, l’Orthodoxie est, sans doute, théologiquement la plus proche de nous ; catholiques et orthodoxes ont conservé la même structure de l’Église des origines ; en ce sens, nous sommes toutes “Église des origines” qui, toutefois, est toujours présente et nouvelle. Et ainsi nous osons espérer, même si humainement nous rencontrons sans cesse des difficultés, que ne soit pas pourtant si loin le jour où nous pourrons de nouveau célébrer l’Eucharistie ensemble. »

Ce discours de Benoît XVI prononcé à Fribourg, Vladimir Volkoff, en son repos éternel en Bourgogne a du l’entendre et  tressaillir de joie. Un livre publié par son ami Vladimir Dimitrijevic  et Lydwine Helly , juste avant la mort du grand éditeur, nous explique cette douce orthodoxie (pas si douce que cela, mais enfin…) qui a animé le coeur et l’âme du grand écrivain français d’origine russe. Ses premiers textes sont signés Lavr Divomlikoff ce qui signifie l’imprimerie miraculeuse. Selon Volkoff « dans la mesure où l’artiste est créateur il est un imitateur de Dieu dans sa fonction paternelle….Tout oeuvre d’art porte nécessairement une empreinte divine, et peut par là être comparée à la véronique, ce linge avec lequel une femme essuya le visage du Christ au calvaire et sur lequel l’image de la Sainte Face demeura,dit on imprimé. »« Dieu,écrit il aussi à la publication de sa Lecture de l’évangile selon Saint Mathieu, est celui sans qui tout ne serait que jeu ou corvée » les écrivains français contemporains feraient bien de s’imprégner du mysticisme russe. L’idée de Lydwine Helly de publier des inédits et des extraits de ses livres clamant cet immense amour pour Dieu est donc la bienvenue. On retrouve ainsi un extrait du mystère de Saint Vladimir où l’empereur chante les joies de sa conversion.

« Le monde n’est pas tel que je l’imaginais.

Pas du tout , même. Mais pas du tout du tout.

C’est un monde vert et clair du mois de mai

où pardonner n’est pas un deshonneur

où une seule chose est redoutable : faire

du mal à un petit enfant de Dieu,

Ce Dieu dont chaque bourdon bourdonne la gloire.

Comment ai je pu survivre en pleine erreur,

fauve que j’étais et serviteur du diable ? »

Dans l’extrait du Complexe de Procuste il fait l’éloge de la différence à l’opposé de ce Procuste qui coupe les jambes des grands et rallongent celles des petits pour que tout le monde soit pareil .  « Une chose était sûre pour moi: dans la civilisation occidentale, démocratique, intellectuelle, pacifiste, agnostique où je vivais, j’étais chargé de préserver intact le Graal d’une autre civilisation: orientale, autocratique, théocratique, guerrière, orthodoxe. »

Sa différence à lui c’est d’être orthodoxe . Elle le garde autant qu’il la garde.

Suivent les imprécations réjouissantes de  l’écrivain russe Léontiev que Vladimir admirait: « O égalité haïssable ! O vile uniformité! O progrès trois fois maudit! O toi, montagne de l’histoire du monde, écrasante, abreuvée de sang mais pittoresque! Depuis la fin du siècle dernier, tu connais les affres d’un nouvel enfantement. Et de tes entrailles torturées, qu’est ce donc qui sort en rampant? une souris. Ce qui est en train de naître, c’est l’avantageuse caricature des hommes d’antan: l’Européen rationnel moyen, avec son costume comique qu’on ne saurait même présenter dans le miroir idéal de l’art, avec son intelligence superficielle et imbue d’elle même, avec ses bonnes intentions pratiques qui ne quittent jamais le ras du sol! Non, jamais dans l’histoire on n’avait encore vu une combinaison aussi repoussante: l’orgueil intellectuel se donnant libre cours face à Dieu e l’humilité morale se déployant aux pieds d’une humanité uniforme, grise, laborieuse, rien que laborieuse et dépourvue de foi comme de passions. »

L’un des passages le plus beaux est extrait du troisième volume de la grande trilogie de Volkoff, Les humeurs de la mer, Intersection, dans lequel une vieille babouchka baptise secrètement la petite fille d’un bourreau de Staline. Le plus émouvant est sans doute tiré du Retournement et raconte la confession d’un triste sire, major soviétique qui, enfant, avait dénoncé sa mère toujours fidèle à l’église . Cet homme censé être retourné au profit de l’ Occident  se tourne en réalité vers Dieu. Histoire vraie comme l’apprit plus tard Volkoff alors qu’il avait tout inventé .

Ce livre est une sorte d’élixir de la pensée de Volkoff, de sa foi, de son énergie et de son insolence . Il proclamait sa différence en se caparaçonnant de ce mépris et ce dégoût qu’il appelait ses deux anges gardiens.  Il eût aimé ce compliment : un excellent alcool après dîner !

Douce orthodoxie .Vladimir Volkoff . L’Age d’homme.


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1 réponse à Benoît XVI et Vladimir Volkoff

  1. DUPONT dit :

    Un Dieu qui ne déifie pas l’homme qu’il existe ou pas ne sert à rien !
    Pensée d’un Moine orthodoxe du Mont Athos

    De plus, comment ne pas être émerveillé par ces 2 prières d’un moine Syro-oriental
    Jean de Dalyatha « le vieillard spirituel », que je vous livre.

    TU ES TOUT POUR MOI

    Heureux celui qui fixe continuellement les yeux sur Toi, ô mon Paradis qui m’apparais en moi ! Ô Arbre de Vie, dans mon cœur Tu m’enflammes à tout moment de Ton désir !
    Heureux celui qui Te cherche en lui-même à tout moment, car c’est de lui-même que coule pour lui la Vie, afin qu’il s’en délecte !
    Heureux celui qui porte en tout temps dans son cœur ton souvenir, car son âme aussi est enivrée de ta douceur !

    Heureux celui qui fixe continuellement les yeux sur Toi au-dedans de lui, car son cœur aussi est illuminé pour voir les mystères cachés !
    Heureux celui qui, préoccupé de Toi, voit ses pensées réduites au silence, car l’Esprit fait sourdre en lui des fleuves de Vie pour sa délectation ; pour la sienne et pour celle de ceux qui ont soif de Le voir.
    Heureux celui qui étend sa couche dans l’admiration incessante de tes mystères et y repose silencieusement dans l’émerveillement qu’ils provoquent, car d’elle aussi s’exhale, pour la joie du cœur de celui qui est diligent, le parfum de la Vie produit par ton Esprit saint, Gardien de la pureté de ceux qui L’aiment !
    Heureux celui qui oublie les compagnies du monde en s’entretenant avec Toi, car par Toi tous ses besoins sont comblés!
    Tu es, en effet, sa nourriture et sa boisson, Tu es sa joie et son allégresse, Tu es son vêtement et c’est de ta gloire que sa nudité est revêtue.
    Tu es sa demeure et l’habitation où il trouve le repos, et en Toi il entre en tout temps s’abriter.
    Tu es son soleil et son jour, et c’est dans ta lumière qu’il voit les mystères cachés.
    Tu es le père qui l’a engendré, et comme un enfant il T’appelle : Père ! Tu lui as donné l’Esprit de ton Fils pour qu’Il demeure en son cœur, et Lui, Il lui a donné la liberté confiante de Te demander tout ce qui est tien, comme un fils à son père.
    À tout moment il vit en Ta compagnie, du fait qu’en dehors de Toi il ne connaît pas de père. Tu es uni à son âme, Tu es mêlé à ses membres, Tu brilles dans son esprit et Tu captives celui-ci pour qu’il s’émerveille à ta vue.
    Tu fais taire les mouvements de son âme par la véhémence de ton amour et Tu transformes le désir de son corps par la grandeur de ta douceur : il sent ton saint Parfum, comme l’enfant respire celui de son père et l’odeur de ta grâce s’exhale de son corps, comme celle de sa nourrice s’exhale de l’enfant. À tout moment, Tu le consoles par ta vision, lorsqu’il mange, il Te voit dans sa nourriture ; lorsqu’il boit, Tu resplendis dans sa boisson ; lorsqu’il pleure, Tu apparais dans ses larmes. Partout où il regarde, il Te voit, de sorte que de tous côtés, Tu augmentes son bonheur.

    Ô CHRIST BEAUTÉ DU PÈRE

    Ô Christ, Beauté du Père, Toi par qui nous a été ouverte la porte des mystères de ton Père cachés en Toi de toute éternité, donne-nous que, par Toi, nous entrions dans le temple de notre âme et que nous T’y voyions, Ô Trésor de Vie caché (en nous) : que nous mangions de toi avec un désir ardent, Ô Arbre de Vie qui par amour T’est planté Toi-même dans le paradis rationnel, sans que la douceur de ta suavité et la beauté de ta vision merveilleuse nous laissent jamais voir et connaître celui du Bien et du Mal et manger de ces fruits.
    C’est là en effet la béatitude que reçoivent dès à présent ceux qui fixent les yeux en eux-mêmes sans diversion et tuent leurs mouvements par le regard continuel au-dedans d’eux, dans la mort au monde.

    En vérité, mes Frères, quiconque aura cloîtré en lui-même le regard de son esprit, sans se départir de cela un mois durant, par désir de Dieu, verra briller de l’intérieur de son cœur l’Astre de lumière dans un émerveillement ineffable : vision qui est celle de la gloire de la Grandeur du Vivant éternel.
    Hors de là, ceux qui peinent à la recherche de cette béatitude plus haute que toutes les béatitudes et leur fin à toutes, ne sauront pas la chercher, et jamais personne de trouvera véritablement ailleurs le lieu de sa demeure, qu’il soit (ici-bas ou) dans les mondes à venir ou qu’il soit même une des natures simples et spirituelles.
    Mais ceux qui peinent à sa recherche à l’intérieur d’eux-mêmes se reposeront rapidement et jouiront de sa vue, Oh, combien cette pratique qui donne la vie à ceux qui s’en imposent la charge est pénible et dure pour ceux qui sont ballottés dans leur monde par les passions ! Mais combien elle est douce et suave pour ceux qui s’y appliquent et en moissonnent des gerbes de joies à l’intérieur d’eux-mêmes ; pour ceux qui se sont détachés de tout et se sont liés à elle pour toujours !

    Ô toi qui t’es engagé dans cette conduite qui fait resplendir toutes les courses ascétiques, ne te laisse pas rebuter par les difficultés du commencement, lorsque tu veux contraindre ton esprit à pénétrer au-dedans de toi et qu’il ne le peut pas. Ne retourne pas en arrière, n’ai pas recours au soulagement que procure la distraction hors de toi-même.

    Tes adversaires savent bien que tu as entrepris un manière de faire qui échappe à leur connaissance, dénonce leurs ruses et confond leur arrogance ; aussi répandent-ils sur ton esprit encore in habitué une charge pesante, un découragement, une ténèbre obscure, un étouffement de l’âme, par lesquels ils veulent arriver à rendre odieux à tes yeux le mystère source de tous les Mystères ; Mais si tu persévères à la porte de ton cœur, si tu tiens bon pendant ces afflictions, les yeux fixés, même s’il n’y a là aucun appui et aucun repos bien au contraire !
    Si tu appelles la miséricorde de Celui qui a dit : « Bienheureux les purs, car il verront Dieu dans leur cœur », en ne pensant pas que ton labeur est vain : alors Celui-là même qui donne la lumière aux aveugles, le Soleil de la joie, brillera pour toi au-dedans de toi et t’attirera à lui en te détachant de tout.
    Et de lui, qui alors te détachera ? Pas même les anges ne le pourront, car il sera meilleur pour toi d’être avec le Seigneur à l’intérieur de toi que d’être avec eux dans le ciel !

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