Hommage à Georges Mathieu

Désormais seul en face de Dieu

Publié le 29 juin 2012 par Anne Brassié

Tel était le titre du dernier livre de Georges Mathieu. Décédé il y a peu, il est désormais seul en face de Dieu. J’avais présenté son livre aux lecteurs de Présent en ces termes:

Avoir pour ancêtres les chevaliers d’Escaudoeuvres et Godefroy de Bouillon implique des devoirs. Georges Mathieu l’a senti. Premier anachronisme  en ces temps de devoirs de l’homme. Cocteau définissait ainsi le peintre: « Georges Mathieu est un grand seigneur, tout ce qu’il touche devient féodal et noble. Il fait revivre dans le règne de l’art une aristocratie morte, la sienne étant mille fois plus légitime que l’aristocratie du gotha. »

Second anachronisme en matière d’art il recherche et célèbre le beau,en un temps de victoire totale du laid,du primaire. Alors qu’un exposition se déroule à Paris, sous l’égide de la Mairie de Paris sur l’art populaire et l’art asilaire américain, Georges Mathieu établit la distinction entre travail artistique,apprentissage, approfondissement et peinture avec une queue de singe. Troisième anachronisme, Mathieu récuse l’existence d’un ministère de la culture, ses pompes  et ses oeuvres dont les subventions déversées sur tout et n’importe quoi.

Plusieurs parties donnent à ce livre une grande variété: théories sur l’art, exposés philosophiques de haut vol, pamphlets politiques, lettres aux ministres de la culture et lettres de château quand Georges Mathieu a été reçu comme il l’aime et lettres de charme aux femmes qui l’ont charmé.

Mais un point commun toujours: l’exigence spirituelle, la foi en une Europe ancienne et la nécessité d’une prédominance culturelle sur les ordres économiques et politiques. « Ce qui fait aujourd’hui l’Europe, c’est qu’elle est liée fondamentalement,-et on le souhaite irrévocablement-à la notion de personne, élaborée à Nicée en 325 . C’est à partir de cette même notion que l’Europe doit se faire et non à partir de structures économiques dérisoires. L’Europe que nous souhaitons n’est pas une Europe matérialiste, c’est une Europe sensible et humaine. » Il dira ailleurs: « Tant que l’ordre culturel ne l’emportera pas sur les ordres économiques et politiques, il n’y aura pas de vraie civilisation. »

Le seul problème c’est l’inculture de certains fonctionnaires de la culture qui doivent ignorer  ces temps obscures, où est Nicée et  ce qu’est une personne. Encore un autre anachronisme, Georges Mathieu estime que pour traiter de peinture, d’art ou de philosophie il faut être peintre  ou philosophe. Il trouve anormal que des fonctionnaires publics, ils sont seize mille, s’occupant de gestion, de conservation, ou de répartition de l’argent de l’Etat en matière d’art, vivent douillettement dans de jolis bureaux pendant que les vrais artistes, ceux qui luttent quotidiennement avec les muses sont au pain sec et à l’eau. Ce détournement de l’argent vers les non productifs qui n’affectent pas seulement le domaine de l’art mais tous les domaines commerciaux est sacrément épinglé par notre grand peintre qui ne peut être soupçonné de prêcher pour sa paroisse puisque son succès, dès les années cinquante, le mit à l’abri du besoin. Inculture de ces fonctionnaires mais aussi insoumission caractérisée: Monsieur Lang s’était vu interdire le projet des colonnes de Buren au Palais Royal par le Service des Monuments mais Monsieur Lang se fout des lois comme Monsieur Léotard à qui Mathieu écrit cette lettre ouverte :« Monsieur le Ministre, il est temps de mettre un terme à l’entreprise concertée de dégradation des monuments français. Je conçois votre difficulté à prendre parti dans l’affaire du Palais Royal, laquelle n’est qu’une illustration de la politique aberrante menée par votre prédecesseur avec la complicité d’un ingénieur des Ponts et Chaussées, passé directement de la gestion des constructions hospitalières à la direction du patrimoine.

Après le massacre de Fontevrault, la dernière victime risque d’être la malheureuse Abbaye du Bec Hellouin qui verra, plaquée sur son enceinte, la traverse horizontale d’une gigantesque croix en acier inoxydable, de cinquante cinq mètres de long sur quatre d’épaisseur !

« Ce sont de véritables attentats commis en toute impunité sous le couvert de la notion de modernité. Il ne s’agit pas en effet , d’une démarche artistique qui souhaiterait conférer un supplément de beauté à un lieu ou à un monument. Il s’agit d’une démarche subversive qui a la volonté de faire enrager la conscience bourgeoise, comme la conscience populaire en bafouant les lois de l’harmonie, du bon sens, de la raison. »

Parmi ses ripostes aux ministres, Léotard, Lang, Landowski, la dernière est encore à citer parce qu’elle répond à tant d’inepsies en matière d’enseignement: « De grâce, ne reprenez pas à votre compte cette pathologie de l’égalité qu’est l’égalitarisme. L éducation artistique n’a pas pour mission de supprimer les inégalités sociales mais de faire surgir chez tous ce sentiment de dignité et de grandeur qu’ils ignorent en eux. »

Rassurez vous Georges Mathieu est le peintre le plus inséré dans son temps,écran de télévision, pièces de monnaie, murs d’usine, mobilier, tout a été transformé par cet » amateur du beau » pour qui l’environnement des hommes est essentiel à leur harmonie. Quand l’aviation soviétique a abattu en plein vol un Boing de la Korean Air Lines en 1983, Mathieu exprima son indignation sur une toile. Les grands artistes  et philosophes de son temps sont reconnus et admirés de lui. C’est son temps qui ne le mérite pas . Pourquoi cette présence au 20 ième siècle? Peut être parce que Gorges Mathieu est monarchiste, car le monarque, comme le remarque Jean Noël Lalande dans sa préface, est porteur d’une vertu unique, « l’aptitude à incarner la tradition tout en assumant la nouveauté ».

Désormais seul en face de Dieu est un beau livre d’esthétisme et de spiritualité qui exalte le coeur et revigore l’esprit.

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