ET si on réinformait sur l’école

La libre chronique de Camille Galic

A l’heure où plastronnent tant d’anciens ministres de l’Educ’ Nat’, tous contributeurs éminents à la faillite de notre système éducatif (selon le rapport international PIRLS réalisé en 2016 auprès d’un large échantillon d’écoliers de 10 ans dans 50 pays développés, la France décroche une humiliante 34ème place en ce qui concerne la maîtrise de la langue nationale !), Virginie Subias Konofal qualifie son Histoire incorrecte de l’école de l’Ancien Régime à nos jours de « livre modeste » (1). Pour le coup, c’est trop de modestie ! Car, en balayant dans ce livre épatant maintes et inusables contre-vérités, l’auteur fait œuvre de réinformation, dans le meilleur sens du terme.  

En effet, écrit cette agrégée de lettres classiques et docteur ès lettres, c’est « une réelle erreur historique » que d’attribuer « à Jules Ferry seul la responsabilité glorieuse d’avoir imposé en France une école publique, gratuite, obligatoire et laïque. De ces quatre termes, seul le dernier lui revient en propre, ses prédécesseurs, et principalement les ministres ayant œuvré sous des régimes monarchiques, ayant « déjà mis en place la gratuité, l’obligation et une structure dans laquelle école publique et école privée se complétaient ».

 

L’enseignement gratuit pour « riches ou pauvres »… depuis un millénaire et demi !

Au demeurant, ce n’est pas ce sacré Charlemagne qui a inventé l’école. Dès 529, le concile de Vaison demande aux prêtres d’ouvrir « gratuitement des école dans leur propre demeure », afin d’apprendre aux enfants « la lecture, l’écriture, le calcul, mais aussi la grammaire et la logique, quelques principes de versification, le chant liturgique et un peu d’astronomie » — bien plus que n’en savent nos lycéens actuels. Mais il est vrai qu’en 789, un millénaire tout juste avant la Grande Révolution (qui jeta un grand désordre dans l’éducation), un capitulaire de l’empereur, qui avait fait d’Alcuin de York l’inspecteur général de toutes les écoles de l’empire franc, précise que cet enseignement doit être dispensé à tous, « serfs ou libres, riches ou pauvres », à l’image de ce qui se faisait à l’Ecole palatine, que l’on pourrait qualifier de « premier laboratoire de pédagogie appliquée ». Puis vient l’initiation aux sept arts dits mécaniques (fabrication de la laine, armement, navigation, agriculture, chasse, médecine et même théâtre). En 1179, le concile de Latran rappelle aux parents qui voudraient mettre trop tôt leurs enfants au labeur que, « chaque église cathédrale » doit abriter une école « ouverte à tous ceux qui voudront s’instruire gratuitement ». Y compris les enfants abandonnés auxquels on aura « soin de donner les maîtres les plus doctes, qui soient doux et qui les aiment », car « il vaut mieux reprendre les enfants que les battre ».

Cette magnifique entreprise souffrit certes de la guerre de Cent Ans mais, écrit notre auteur, dès les troubles terminés « l’Eglise investit massivement et énergiquement le champ éducatif », en insistant toujours sur la nécessité des « écoles gratuites pour y instruire les enfants pauvres » (concile de Trente, 1545-1563). Et le concile de Cambrai d’étudier en 1565 « la mise en place d’une véritable organisation de l’Ecole primaire ». Ce qui fut fait au siècle suivant avec une attention particulière accordée à la formation des maîtres.

 

Moins d’analphabètes dans la France de 1789 qu’aux Etats-Unis aujourd’hui !

 

Sans doute verra-t-on dans ces efforts de l’Eglise pour alphabétiser les jeunes fidèles et leur donner des rudiments indispensables la volonté de se doter de « cadres performants », comme on dirait aujourd’hui, et de régner sur des esprits encore malléables. Mais il ne faut pas oublier que l’objectif, en mettant en avant les arts libéraux, était depuis le VIIIème siècle de « permettre à l’homme d’exercer pleinement sa liberté ». Un objectif que le christianisme fut et reste la seule religion à se fixer — fût-ce parfois à son détriment

Mission accomplie. Si les Mazarinades et tous les pamphlets qui suivirent jusqu’à la Révolution trouvèrent tant de lecteurs, si le XVIIIème siècle fut le siècle d’or de l’édition, avec le succès prodigieux de L’Encyclopédie lue jusqu’au fin fond des campagnes comme dans les ateliers, n’est-ce pas parce que le système pédagogique mis en place par l’Eglise et rendu de facto obligatoire par les monarques successifs avait été une réussite ? Au point que le grand écrivain britannique Martin Amis signale dans la préface de son dernier livre (La friction du temps, éd. Calmann-Lévy 2017) qu’« en France, en 1789, le taux d’alphabétisation était bien plus élevé qu’aux Etats-Unis deux siècles plus tard ». Ce qui n’empêcha pas le Ralliement des instituteurs et institutrices de tromper délibérément l’opinion en déplorant en 1891 « l’oppression presque continuelle de la populace par une aristocratie toute puissante et l’état d’ignorance et de misère des vilains sous la monarchie ». Ne devrait-on pas aujourd’hui déplorer mêmement l’oppression presque continuelle du peuple souverain par l’oligarchie politico-médiatique et l’état d’ignorance et de misère où la dictature de la Pensée unique maintient les roseaux pensants, réduits au rôle de zombies mentaux ?

148 milliards d’euros, pour quoi faire ?

 

La légende de la gratuité de l’enseignement depuis les Frères fondateurs Jules Ferry et Ferdinand Buisson est inlassablement ressassée par les laïcards, prêts à tous les mensonges (ainsi qu’aux unions les plus impures, hier avec le communisme, aujourd’hui avec l’islam) pour « abattre l’Infâme » malgré les suicidaires aggiornamenti de celui-ci. Ancien professeur de classes préparatoires et actuellement membre de la Fondation pour l’école, Mme Subias Konofal démontre que « le payeur, dans la quasi-totalité des cas, est la société civile, c’est-à-dire le peuple, soit de manière directe lorsque les parents sont les contributeurs directs, soit de manière indirecte par le biais des dons faits aux œuvres pieuses [auxquelles nul n’est tenu de cotiser] ou par le biais des impôts [que chacun est obligé de payer] ». Ces derniers en augmentation constante car le budget de l’Education nationale est astronomique : 147,8 milliards d’euros en 2015, à peine moins que les recettes totales de la TVA et près de 50% de ce que « les contribuables ont donné à l’Etat en impôts directs ou indirects. C’est colossal ». Et pour quels résultats ? Une incompréhension croissante des mathématiques, une  ignorance abyssale de l’histoire et de la langue avec 11 % d’illettrisme. Un taux lui aussi colossal, que ne suffit pas à expliquer le nombre exponentiel d’allogènes scolarisés.

Comment en est-on arrivé là ? Cette Histoire incorrecte de l’école aide à le comprendre. L’éditeur en a-t-il envoyé un exemplaire au ministre Blanquer, ce « maçon sans tablier » biographe énamouré du défunt grand maître du Grand Orient de France Michel Baroin et récent auteur d’un livre sur L’École de demain ? Mieux connaître l’école d’avant-hier lui serait fort utile pour tenter d’améliorer le système actuel — ce qui est sans aucun doute le vœu de nombreux parents à l’aube de l’année nouvelle, cinquantenaire de ce « printemps de mai » 1968, qui accéléra la grande démolition de l’école dont le dernier acte est la mise à l’index du passé simple, trop « discriminant » selon les pédagogistes.   

 

camille-galic@present.fr

(1) Virginie Subias Konofal : Histoire incorrecte de l’école de l’Ancien Régime à nos jours, 170 pages avec bibliographie. Editions du Rocher, octobre 2017.

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