Une opinion polonaise
Constat d’Yves Daoudal sur les valeurs occidentales inspirant l’Ukraine. De l’utilité du latin : Hodie mihi cras tibi !!!
Paweł Lisicki est le rédacteur en chef de l’important hebdomadaire polonais Do Rzeczy (considéré comme proche du PiS), après avoir été rédacteur en chef du principal quotidien Rzeczpospolita, et il est l’auteur d’une vingtaine de livres dont certains ont été traduits en français, notamment L’âge de l’antéchrist.
Il a réagi dans Do Rzeczy à la loi ukrainienne interdisant l’Eglise orthodoxe, et son texte est intéressant déjà en ce qu’il existe, car c’est une notable exception dans le silence colossal de l’Occident soi-disant « défenseur des libertés ». D’autant que Paweł Lisicki croit que l’Eglise orthodoxe ukrainienne est « subordonnée à Moscou », comme il le dit dès le titre, ce qui est ecclésiologiquement et factuellement inexact.
L’article est payant mais on peut en lire 88%, dont voici une traduction :
Je considère que la décision de la Verkhovna Rada ukrainienne d’adopter une loi interdisant les organisations religieuses affiliées à l’Église orthodoxe russe est une erreur à la fois politique et morale.
Curieusement, cette violation flagrante du droit fondamental à la liberté de religion n’a guère suscité la condamnation retentissante des diverses organisations occidentales de défense des droits de l’homme. Je n’ai pas non plus entendu de représentants de l’Église polonaise critiquer cette loi.
Pourtant, le document adopté par la grande majorité des députés ukrainiens est un exemple classique de pensée tribale et grégaire ; pire, c’est une preuve indubitable de l’application par Kiev du principe de responsabilité collective. Je ne comprends pas comment, après l’adoption de cette loi, le gouvernement de Kiev peut encore prétendre défendre les « valeurs occidentales ». Quoi qu’on en dise, elles incluent certainement le droit de pratiquer sa propre religion, d’autant plus si elle est héritée, si elle a été transmise par les générations précédentes et si une grande partie de la nation a été élevée dans son esprit. En effet, si nous acceptons que l’État puisse arbitrairement, au nom d’accusations non précisées, éliminer une communauté chrétienne traditionnelle, et si nous reconnaissons qu’un tel comportement n’exclut pas les autorités concernées du système occidental au sens large (si j’ai bien compris, l’Ukraine répond aux normes de l’État de droit occidental, puisqu’elle est candidate à l’UE), nous acceptons par conséquent une situation dans laquelle d’autres autorités d’un autre État pourront annoncer qu’une autre communauté religieuse (par exemple l’Église catholique) doit être éliminée en raison de son enseignement moral officiel, qui entre en conflit avec l’idéologie libérale contemporaine. Les actions de Zelenski sont-elles une sorte de ballon d’essai ? Je ne l’exclus pas.
Il est soutenu par la gauche occidentale et les libéraux. Accepter de sévir contre l’Église orthodoxe signifie que l’Occident accepte la violation de principes supposés inviolables. C’est là que le bât blesse. Une fois qu’une règle universelle est violée, elle n’est plus universelle.
Cet article présente aussi l’intérêt de mettre le doigt, de façon involontaire mais réelle, sur l’ambiguïté de ce qu’on appelle les « valeurs occidentales », et sur l’hypocrisie de ceux qui prétendent se référer aux valeurs traditionnelles qu’elles représentent encore dans l’inconscient collectif alors qu’ils s’en servent pour promouvoir ce que Lisicki appelle l’idéologie libérale contemporaine, qui est en effet d’origine libérale mais a vocation totalitaire.
Articles similaires
Ce contenu a été publié dans
Chroniques Inactuelles, avec comme mot(s)-clé(s)
église orthodoxe ukrainienne,
Paweł Lisicki,
Ukraine,
Yves Daoudal. Vous pouvez le mettre en favoris avec
ce permalien.