Versailles aillagonise, en 2011, …

De Christine Surgins Historienne de l’art ,sur son blog
17 juin 2011

Bernar de son prénom, mais sans « d », c’est plus chic, quoique consonnant toujours dangereusement avec le fameux « nanar »  qui désole nos écrans.

Dans le dossier de presse de Versailles l’homme se vante d’avoir commencé sa carrière en peignant au goudron puis en exposant une sculpture composée d’un simple tas de charbon, autrement dit libérant l’œuvre des contraintes de la composition : bref, un bernard-limite de la sculpture. Le crustacé s’est aussi lancé dans la musique concrète : « je prends une brouette, lance un enregistreur à cassette et tourne en rond avec la brouette, j’obtiens un son monotone, très répétitif et ce sera l’équivalent auditif du goudron » sic ! (1)  Les services du ministère nous claironnent, eux, que Nanar, pas fier, « s’empar(e) de New-York en 1966 » et par la même occasion de l’art minimal et conceptuel. Il en conçoit un programme qui prévoit d’arrêter sa carrière artistique en 1971 (Clin d’œil à Duchamp). Notre Bernar, qui se vante d’un « bac niveau moins 2 », ira donc pendant ce temps là, enseigner à la Sorbonne : voilà un sculpteur habile, sinon dans les formes, du moins dans la recherche des appuis ;  il n’aura aucun mal à épouser une riche américaine (clin d’œil à Marx Ernst épousant Peggy Guggenheim). Bernar s’incruste donc à New-York et devient alors un « afreu » = artiste français résident aux Etats-Unis ».

Malheureusement pour Louis XIV, le Bernard-limite ne tient pas son programme et repique au marché de l’art, fournissant des œuvres minimalistes, aux formes aléatoires, avec prétextes mathématiques pour épater le bourgeois, mais qui ont la rigueur et la profondeur spirituelle de la brouette concertante.

Nanar a trouvé le filon, « la misère formelle compensée par le gigantisme ». Il y a même une usine entière dans les Balkans exclusivement dédiée à sa production dont la « dimension n’est limitée que par les problèmes de transport ». Mais que font les écologistes ! Voilà un art qui bafoue le développement durable, à quand la taxe carbone sur les délires de l’Art contemporain ? Car enfin, à Versailles  pour soutenir les 60 tonnes d’acier corten de 22 m de haut « il a fallu dépaver la cour pour y poser une résille métallique destinée à ancrer la sculpture » (2). Sa première idée, installer, coté jardin, les côtes de diplodocus en corten « s’est révélée d’une difficulté technique colossale : il fallait une sous-structure de près de 10 tonnes d’acier » pour faire tenir l’œuvre sur un sol meuble. D’où le budget avancé de 2,5 millions d’euros (3)… pour mettre la statue de Louis XIV entre parenthèses ferrugineuses.

L’ambition, selon le dossier officiel, est de nous « faire redécouvrir » Versailles, quitte parfois à s’inscrire en opposition avec son dessin… (et à placer) un effondrement d’arcs entre le bassin d’Apollon et le Grand Canal, sorte d’épave non pas informe mais informelle ». Il faudra que Bernar explique la différence entre informe et informel au Monde, le journal n’a pas compris, au point d‘écrire que : « l’effondrement évoque un tas de fagots oubliés par un jardinier négligent »… N’est-ce pas plutôt une fine allusion à la toute première œuvre de Nanar « une performance où on le voit couché au milieu de détritus » ? 50 ans après, elle enchante toujours le commissaire de l’exposition, Bernard (avec un d) Marcadé.

Même la presse amie a du mal à avaler les couleuvres de corten : Le monde est bien mal inspiré quand il évoque les « Lignes verticales » que le Bernar-limite a aussi incrustées dans la perspective de Marly : « le domaine de Marly a été récemment restitué au château de Versailles. L’installation d’une telle borne est un excellent moyen pour M. Aillagon de marquer son territoire ». Marquer son territoire comme un vulgaire animal ? Vraiment le Monde n’est guère courtois. Direct matin ne s’en tire pas mieux en s’extasiant sur : « ses arcs courbés (qui) mettent en relief les perspectives rectilignes du château » (4). Tiens, des arcs courbés ? Vous connaissez des arcs droits ?

Voilà ce qu’on gagne à s’enticher du « nanart » contemporain !

14 juin 2011

(1) Excellent article de Nicole Estérolle in Artension N°107, p. 96.

(2) Le Monde 31 mai 2011, p.23.

(3) Le Monde 2 et 3 avril 2011, p 32.

(4) Direct-matin, 7juin 2011, p.26.

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