« Corruption médiatique » intervention remarquable de Slobodan Despot
Corruption médiatique
Intervention de Slobodan Despot à la conférence de Lisbonne, 10.9.2022
Préambule : de quoi parlons-nous ?
La corruption médiatique est un vaste sujet et, pour partie, un pléonasme. Si nous définissons les « médias » comme des intermédiaires entre le réel et la connaissance que nous en avons, il est légitime de dire que la « corruption » est inhérente au processus et qu’il n’y a pas d’information médiatique non corrompue, de même qu’aucun mode de reproduction n’est en mesure de transmettre un signal sonore sans distorsion.
L’exposé qui suit s’appuie sur notre observation continue de l’information médiatique depuis le début de la crise du Covid, telle que nous l’avons chroniquée de semaine en semaine dans notre lettre-magazine l’Antipresse.
Rappelons pour commencer une évidence : le travail des organes d’information globalement appelés médias consiste à produire des récits. Quelqu’un a vu ou compris quelque chose et l’a transmis dans les limites de ses capacités : intelligence, savoir, culture, maîtrise de l’expression, et sous le contrôle ses vertus : probité, impartialité, sang-froid, honnêteté intellectuelle. Tant que ce cadre est déclaré, nous pouvons parler des distorsions naturelles de la réalité au fil de la transmission. Mais quand ces distorsions deviennent délibérées, ou massives, il est possible de parler de corruption. Par exemple, lorsque les médias s’efforcent de faire passer leur récit pour un reflet objectif de la réalité où tout le parti pris humain est occulté.
Ceci n’est évidemment qu’un cadre théorique pour notre réflexion. Le sujet de cet exposé est la corruption médiatique et en particulier son rôle dans la dérive totalitaire initiée par la crise pandémique de 2020. Ce concept de corruption médiatique est ambigu et son intérêt réside justement dans son ambiguïté.
Tout d’abord, l’épithète médiatique peut être comprise de deux manières : la corruption des médias, ou la corruption par les médias. Il s’agit de deux réalités différentes même si elles sont étroitement imbriquées.
Ensuite, qu’est-ce que la corruption ? Le Littré, le dictionnaire classique de la langue française, nous propose au moins quatre définitions de ce terme qui peuvent être utilisées dans le cadre qui nous occupe :
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« Rupture d’un ensemble, altération en général. »
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« Décomposition putride. »
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Dépravation, dans le sens de « corruption des mœurs du siècle ».
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« Moyen qu’on emploie pour gagner quelqu’un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice », au sens actif et, au sens passif, état de celui qui a fait l’objet d’une tentative de corruption, et qui donc est corrompu.
Cette dernière définition est celle qui vient le plus facilement à l’esprit, et ce sous sa forme passive. Dans la tête de beaucoup de gens, corruption médiatique veut dire : « les médias sont corrompus ».
MÉDIAS CORROMPUS ?
Partons de cette acception pour ainsi dire machinale. Les alter-médias, les médias dits de « réinformation », consacrent beaucoup d’efforts à démontrer que les médias sont « déterminés à agir contre leur devoir et la justice » par des séductions ou des chantages de nature matérielle. Ce peut être du soudoiement ouvert et direct, comme, dans le cas qui nous occupe, le subventionnement massif par la Fondation Bill et Melinda Gate de médias, grands ou petits. En novembre 2021, l’examen du seul mécénat médiatique de la Fondation aboutissait à une somme de 319 millions de dollars répartis en 30 000 donations individuelles dans le monde. C’est sans aucun doute une des raisons pour lesquelles le fondateur milliardaire de Microsoft, par ailleurs hygiéniste obsédé et dénataliste maniaque, bénéficiait d’« une sorte de blanc-seing dans les médias de masse », comme l’écrivaient les auteurs de l’étude. Il n’est pas exagéré de dire que certains médias bien connus, chez nous comme ailleurs, n’existeraient plus aujourd’hui si les aides de Bill Gates, s’articulant parfois de manière coordonnée à celles des États, n’étaient venues les sauver in extremis de la révolution de l’internet et de la désaffection publique. Cet aspect de la corruption médiatique est certes capital, mais au fond assez banal. La corruption de la presse est un thème jubilatoire de la Comédie humaine de Balzac. Au début du XXe siècle, l’écrivain socialiste Upton Sinclair publiait sous le titre de The Brass Check une étude féroce du journalisme américain, qui y apparaît comme une prostituée entretenue par le grand capital. La solution qu’il proposait est désarmante de candeur : restituer l’outil aux « travailleurs de la main et du cerveau ». Les mêmes propositions se retrouvent dans l’idéalisme alter-médiatique jusqu’à nos jours. Une forme de corruption plus indirecte dans ce contexte, plus diluée aussi, tient dans la dépendance publicitaire. Quiconque a travaillé dans la presse sait que les grands annonceurs ont parfois leur mot à dire dans les penchants rédactionnels. Ce mot, d’ailleurs, ils n’ont même pas à le formuler : les rédacteurs, par un entraînement de longue date à l’obséquiosité et à l’autocensure, l’ont spontanément intégré dans leur manière de penser. Une rédaction n’est pas une caserne. Aucun ordre n’y est crié, et pourtant tout le monde, comme par enchantement, regarde dans la même direction au même moment et pousse les mêmes cris d’enthousiasme ou d’horreur. C’en est même comique.
Une des raisons majeures de la déchéance de la presse écrite, en particulier, au cours de ces vingt dernières années, tient dans son accoutumance massive à la manne publicitaire, au détriment d’un financement plus souverain au travers des lecteurs et des abonnés. Lorsque les groupes de presse eux-mêmes ont dévié le flux publicitaire vers les nouvelles plateformes en ligne, créant une concurrence mortifère à l’intérieur même de leurs empires médiatiques, une grande partie des titres traditionnels, ceux qui portaient encore la légitimité de la marque à défaut d’être rentables, sont devenus des morts-vivants capables de n’importe quelle contorsion pour quelques mois de rallonge de charges et de salaires.
Voir à ce sujet : Slobodan Despot, « Qui a (vraiment) tué la presse papier ? », Antipresse 62 du 5.2.2017.
MÉDIAS CORRUPTEURS ?
Que les médias soient corrompus, c’est un lieu commun. Dans le cadre de la dérive totalitaire de ces dernières années, c’est le fonctionnement de l’autre corruption médiatique qui nous intéresse. Non plus la corruption passive — les médias corrompus — mais la corruption active : les médias corrupteurs.
Ici, les trois autres acceptions du terme de corruption éclairent à chaque fois le phénomène d’une lumière nouvelle et complémentaire. Mais commençons par décrire un exemple concret.
Un cas particulier : la Suisse
Je ne citerai ici le cas particulier de la Suisse qu’en tant qu’illustration d’une dérive générale — mais un cas dont je suis familier, connaissant aussi bien, en grande partie, le personnel concerné que les mœurs et les mentalités de ce petit pays si particulier. Il est plus révélateur d’étudier la dérive d’un système dont vous connaissez les rouages intimement que celle d’un système dont vous n’avez, une fois de plus, qu’une connaissance médiatisée.
La relative clémence des mesures de confinement dont nous avons bénéficié en Suisse par rapport à la démence de certaines décisions prises dans les pays voisins ne doit pas nous faire oublier que le narratif médiatico-sanitaire de la crise était aussi rigoureusement contrôlé, et aussi délirant, que partout ailleurs dans le monde industriel avancé. Si je m’étais trouvé dans un autre pays d’Europe, j’aurais étudié le cas de ce pays-là, mais voici, j’ai vécu le Covid en Suisse, pays qui, incidemment, héberge les principales institutions internationales impliquées dans cette pandémie, depuis le WEF de Davos jusqu’à GAVI et à l’OMS. (Il n’est pas anodin de relever que toutes ces institutions se trouvent à Genève, dans un rayon de 30 minutes de marche environ l’une de l’autre).
Le gouvernement suisse disposait d’un « plan Pandémie » minutieusement mis à jour et révisé au cours du temps. Pourtant, lors de la crise du Covid, il n’en a pas tenu compte. Le ministre de la Santé Alain Berset s’est entouré d’une « task force » scientifique ou parascientifique cooptée, dont les conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique ou des fondations comme celle de Bill Gates n’ont pas fait l’objet d’un débat public et dont le fonctionnement en soi était opaque. Ladite task force en effet produisait ses avis, qui avaient valeur d’oukases, sur la base de réunions sans procès-verbal. Des personnes beaucoup plus compétentes que moi tireront le bilan de cette gestion sanitaire, je pense avant tout à mon ami Jean-Dominique Michel. Je ne relèverai ici que quatre situations médiatiquement intéressantes.
1) LA FERMETURE DES ÉCOLES COMME MESURE PÉDAGOGIQUE
Le 15 mars 2020, le Conseil fédéral a prononcé un confinement sévère qui s’étendra avec des aménagements sur plus de deux mois. Cette mesure a pratiquement paralysé la vie du pays. Tout était fermé, à l’exception des pharmacies et des commerces de première nécessité. La fermeture des écoles, en particulier, a constitué une mesure choquante et très lourde, enfermant les enfants dans des logements parfois très exigus avec des parents qui, souvent, devaient se débrouiller pour poursuivre dans ces conditions leur télétravail. Il est inutile de dire que le semestre a été perdu pour cette génération d’écoliers, sans même parler des difficultés et distractions induites par l’enseignement à distance. Nombre d’instituteurs ont déclaré, et m’ont confié personnellement, que l’enseignement à distance n’était pas de l’enseignement. Or voici qu’au sortir de ce confinement, « M. Covid », Daniel Koch, le coordinateur nommé par la Confédération, a pris sa retraite. Au moment de quitter ses fonctions, il a été interviewé au journal du soir de la télévision suisse romande. Laissant comprendre qu’il avait eu certains désaccords avec les autorités politiques, M. Koch a émis cet avis stupéfiant au sujet de la fermeture des écoles :
« Sur le plan épidémiologique, ce n’était pas une nécessité. Mais sur le plan de faire comprendre la situation, c’était bien qu’on l’a (sic) fait. »
Il en ressort donc qu’une décision grave du gouvernement suisse n’a pas été motivée par l’urgence sanitaire, mais par un projet pédagogique. En clair, il s’agissait d’aggraver la peur et le stress ressentis par la population afin d’induire des modifications comportementales. Cette méthode s’apparente à la quatrième définition de la corruption que nous avons vue plus haut : « Moyen qu’on emploie pour gagner quelqu’un et le déterminer à agir contre son devoir et la justice ». On verra des exemples plus caricaturaux, mais moins pervers au moment de la campagne de vaccination lorsque les autorités offriront aux vaccinés des incitations pécuniaires, voire des repas gratuits.
Renvoyer les enfants à la maison sans nécessité est un procédé qui se loge dans la zone la plus coercitive des méthodes dites « douces » mobilisées pour modifier le comportement de la population.
Voir « SUISSE • On a fermé les écoles par… pédagogie ! », AP235, 31.5.2020.
2) COMPTABILITÉ TRUQUÉE DES MORTS DU COVID
Ceci est un phénomène général qu’on a pu observer dans un grand nombre de pays : la tendance à gonfler statistiquement la létalité du Covid en lui attribuant tous les décès possibles. En un mot, les personnes mortes avec le Covid étaient considérées comme mortes du Covid. Cette aberration comptable était apparente dès les premiers jours de la pandémie dans la région de Bergame, en Italie, d’où est parti le premier grand foyer en Europe. Il suffisait pour s’en rendre compte de lire les chiffres de comorbidité inclus dans les statistiques hebdomadaires du ministère de la Santé italien, ce que les médias ne faisaient pas. En réalité, la comptabilité « fourre-tout » des décès était l’un des moyens principaux utilisés pour hisser la mortalité du Covid au-dessus de celle de la grippe saisonnière.
Le Dr John Lee, pathologiste et consultant de la Santé publique britannique, avait dénoncé cet abus dès les premières semaines en Grande-Bretagne. Sa tribune avait été publiée dans un journal réputé. Elle n’a entraîné aucune révision des méthodes comptables.
Voir John Lee : « Dr John Lee : a-t-on surréagi au coronavirus ? », Antipresse 227 du 05/04/2020.
Il n’en allait pas autrement en Suisse, à cette différence près qu’aucun média de grand public ne s’est interrogé sur cette pratique jusqu’à ce que les autorités elles-mêmes la confessent. Le 7 janvier 2022, le président de la Confédération, M. Ignazio Cassis, par ailleurs médecin, a livré dans l’émission de grand public Arena une explication effarante :
Question : « Des patients dans les hôpitaux, même s’ils ont été admis pour autre chose, sont appelés patients Covid, car testés positifs. Vous n’avez pas vraiment de vue d’ensemble. »
Réponse : « C’est normal. Quelqu’un qui meurt dans un accident de voiture et qui est testé positif est compté comme un décès Covid. »
Il est ensuite précisé qu’en truquant ainsi les statistiques du Covid, les autorités suisses n’ont fait qu’appliquer une consigne de l’OMS. Cet aveu a été relevé par Sarah Dohr, contributrice du média alternatif Bon pour la tête, qui en tire une conclusion vibrante d’indignation : « Si cette affirmation de M. Cassis est vraie et que les statistiques hospitalières sont truquées, c’est non seulement un scandale monstrueux, mais cela donnera raison à celles et ceux qui méprisent le monde médical, car aucun médecin, aucune infirmière, aucun scientifique, aucun modélisateur, aucun journaliste médical ne devrait approuver une telle façon de faire. La confiance dans les autorités sanitaires serait dès lors terriblement ébranlée. »
La confiance dans les autorités sanitaires a certes été ébranlée, mais pour des motifs plus dramatiques que leurs tricheries comptables. Quant au scandale monstrueux, il a été étouffé dans l’œuf. L’administration politique et sanitaire a passé comme chat sur braise sur cette falsification et les médias l’ont couverte d’un voile de silence. Comment contester une pratique locale, même absurde, si elle est imposée de tout en haut, de l’OMS ?
Voir Slobodan Despot : « Suisse : le cartel de la peur livre des aveux complets », Antipresse 323 du 06/02/2022.
3) UN SUISSE PARMI LES FAUSSAIRES DE « THE LANCET »
Les médias suisses se sont montrés tout aussi pudiques face au scandale de l’étude commanditée de la revue The Lancet qui avait pour but de discréditer l’hydroxychloroquine. En réalité, la révélation des méthodes employées pour compiler cette étude a surtout discrédité la revue médicale la plus prestigieuse au monde et les signataires du papier. Or, parmi les quatre coauteurs figurait un professeur de cardiologie suisse et chef de service à l’hôpital universitaire de Zurich, le Dr Frank Ruschitzka. Alors qu’ils avaient littéralement sous la main l’un des responsables de cette fraude retentissante, les médias suisses ont ignoré l’affaire.
En juillet 2020, nous-mêmes avons écrit une lettre au professeur Ruschitzka avec une série de questions ayant trait à sa participation à cette fraude. Ni lui ni son administration ne nous ont répondu. À notre connaissance, aucun média significatif de Suisse ou d’ailleurs n’avait entrepris de démarche semblable. Comme si la participation à une falsification scientifique de portée globale, avec des conséquences possibles sur la santé des populations, n’entraînait ni responsabilité ni interrogations.
Voir Slobodan Despot : « Lettre au Prof Frank Ruschitzka, coauteur de l’étude rétractée du Lancet », Antipresse 240 du 05/07/2020.
4) UNE CONJURATION DU SILENCE
Catherine Riva et Serena Tinari sont deux journalistes professionnelles, fondatrices de la plateforme d’investigation ReCheck, spécialisée dans les affaires de santé. Dès le début de la crise pandémique, elles ont été frappées par l’absence d’esprit critique des médias vis-à-vis de la narration servie par les autorités politiques et leurs consultants lors des rituelles conférences de presse du gouvernement :
« Les autorités fédérales ne fournissent pas certains indicateurs qui permettraient d’analyser la situation sur les meilleures bases possibles et, malheureusement, dans la grande majorité des cas, les médias ne les leur réclament pas. »
Voir Catherine Riva & Serena Tinari : « Médias suisses et coronavirus : cesser de nourrir la peur », AP227 du 05/04/2020.
Elles se sont également intéressées aux méthodes de travail très particulières du haut conseil scientifique, la fameuse Task Force. Elles ont relevé en premier lieu que les « scénarios » apocalyptiques de ce think tank se sont « régulièrement révélés faux », se fondant entre autres sur la « modélisation totalement erronée de l’Imperial College » de Londres. Ces gens, constatent-elles a posteriori, « se sont souvent et lourdement trompés… » Elles ont cité une correspondance avec l’un des membres éminents de cette task force qui révèle de la part du consultant une arrogance à peine croyable, mais également son refus ou son incapacité à motiver scientifiquement des décisions de la Task Force, en l’occurrence sur la pertinence des tests PCR.
Voir Catherine Riva et Serena Tinari, « Science en mode pandémique : l’étrange cas de la Swiss National COVID-19 Science Task Force » ; Slobodan Despot : « Le naufrage de Switzerland, Inc. », Antipresse 273 du 21/02/2021.
Tout au long de cette crise et jusqu’à ce jour, les lacunes scientifiques, les opacités et les conflits d’intérêts des autorités sanitaires et de leurs conseillers constituaient un matériau de premier ordre pour l’enquête, l’analyse et la dénonciation journalistiques. Dans les faits, tout au moins dans le domaine francophone, seuls les « alter-médias » comme l’Antipresse ou Bon pour la tête et les chercheurs indépendants comme Jean-Dominique Michel ont fait ce travail. La montée régulière de leur audience montre que ces sources comblaient une lacune béante des médias traditionnels. Ceux-ci ne sont sortis de leur arrogante unanimité dans le déni qu’en de très rares cas, comme cet aveu surprenant contenu dans un tweet du 31 janvier 2022 :
« Il y a des moments où je comprends les critiques faites aux médias. Nous avons toujours relayé les scénarios les plus catastrophistes de la task force scientifique, en occultant les autres parce qu’il nous fallait un titre qui fasse vendre. Triste ! »
L’auteur de ce tweet, correspondant au Palais fédéral du journal de référence Le Temps, est bien l’un des principaux responsables de cette occultation et de cette tristesse. Sa confession, probablement opportuniste, car survenant à la veille d’une votation sur le subventionnement public des médias, n’a encore une fois donné lieu à aucune révision de la couverture médiatique du Covid, ni dans son journal ni ailleurs.
Paysage global : les féodalités narratives
La Suisse, comme je l’ai dit, n’est qu’un microcosme reflétant le macrocosme de la corruption médiatique globale attisée par la crise du Covid.
Nous avons tous vu passer sur les réseaux sociaux cette devinette : « Comment vous protéger du Covid ? — Éteignez la télévision ! » De fait, la contribution des médias au maintien d’un climat de peur et donc d’obéissance face à une épidémie dont la mortalité aurait pu être noyée dans les risques ordinaires de l’existence aura été d’une importance essentielle.
Le façonnement de l’opinion lors de cette plongée dans la dystopie ne se limitait pas à construire un « narratif » anxiogène dominant, mais également et peut-être surtout à étouffer les interrogations susceptibles de le mettre en doute. À cet effet, on a généralisé le procédé de discrédit inauguré dans les médias américains après l’assassinat du président Kennedy : à savoir, l’accusation de complotisme. C’est ainsi qu’on a bloqué tout débat d’envergure sur les questions essentielles suscitées par la pandémie :
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L’origine du virus ;
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La létalité réelle de la maladie ;
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L’(in)opportunité des mesures prises pour la combattre ;
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La déshumanisation du système de santé ;
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L’inefficacité (voire la nocivité) des vaccins ;
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La corruption systémique du monde médiatico-politique par l’industrie pharmaceutique ;
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La transformation économique et sociétale mise en œuvre à la faveur de la pandémie (stratégie du choc et Great Reset).
Sur chacun de ces sept sujets, le temps et les recherches — voire les aveux volontaires ou involontaires des protagonistes eux-mêmes — ont fini par donner raison aux soi-disant « complotistes », plus exactement aux scientifiques et analystes de haut niveau dénoncés comme tels et noyés dans une cacophonie d’interprétations délirantes et de vraies théories du complot. Nous reviendrons plus loin sur la technique délibérée qui a permis cette disqualification, même temporaire.
Au temps de la guerre civile en ex-Yougoslavie, le journaliste français Jacques Merlino, alors directeur des informations à France 2, avait été frappé par l’ampleur de la distorsion médiatique du conflit. Il a mené sa propre enquête, publiée sous le titre Les vérités yougoslaves ne sont pas toutes bonnes à dire. Au travers d’une interview réalisée avec le directeur de la principale agence de relations publiques travaillant pour le camp musulman bosniaque, Merlino avait démontré à la fois l’importance du « narratif » dans la perception de la guerre et de ses responsabilités — et le peu d’importance qu’y tenait la réalité tangible. L’opération consistait à inspirer une grille de lecture du conflit simplifiée à certains groupes influents (en l’occurrence l’élite de la communauté juive d’Amérique) et à s’y tenir quoi qu’il arrive. Pour retourner cette communauté en faveur d’un camp jusqu’alors plutôt perçu comme hostile — les fondamentalistes musulmans — et faire passer pour des « nazis » les camarades de camp et d’infortune des survivants de l’Holocauste — les Serbes —, il avait suffi d’un secrétariat et d’un fax. Aucun démenti du terrain ne parvenait à ébranler une narration bien ficelée.
Il n’en reste pas moins que ces manipulations nécessitaient, pour être efficaces, un terrain favorable. Ou, pour employer une métaphore virologique, des organismes à l’immunité intellectuelle très diminuée. Un public pourvu de bon sens et de réflexes critiques n’aurait tout simplement pas « mordu » à des appâts aussi grossiers. Leur réussite auprès d’un public éduqué comme auprès des masses montre une déperdition à grande échelle de tout ce que Blaise Pascal rangeait sous la catégorie de l’esprit de finesse par opposition à l’esprit de géométrie : le sens des proportions et de la vraisemblance, l’aversion innée pour le simulacre, la juste évaluation des ordres de grandeur, la conscience du contexte humain et psychologique des théorèmes scientifiques. Bref, de toutes ces vertus ineffables de l’esprit humain que l’intelligence dite artificielle n’est jamais parvenue à émuler.
C’est cette évidence qui m’a poussé d’emblée à laisser le débat sanitaire et épidémiologique aux spécialistes de la question et à nous intéresser au paysage mental qui rendait de telles dérives possibles. C’est pourquoi je me suis intéressé au rôle de la pensée technologique et de la corruption de l’intelligence humaine à l’ère de la robotisation. La deuxième moitié du XXe siècle a vu à la fois l’émergence de la cybernétique, science du contrôle et de la communication, et un perfectionnement des études en matière de psychologie des masses. Une lecture des décisions en apparence les plus loufoques en matière de gestion du Covid à la lumière de ces connaissances permet, à tout le moins, de contextualiser l’absurde. Comme l’avait illustré le grand sociologue Theodore Roszak dans son livre prémonitoire sur la Secte informatique (The Cult of Information), l’irruption de la pensée binaire tend à réduire le comportement humain à un ensemble de réflexes simplifiés et programmables. Dans son essai sur l’usage humain des êtres humains, Norbert Wiener, le père de la cybernétique, posait déjà les bases de cette utopie scientiste et déjà transhumaine : « « Ne peut-on pas imaginer une machine pour collecter tel ou tel type d’information, comme par exemple des informations sur la production et le marché, puis pour déterminer en fonction de la psychologie moyenne des êtres humains et des quantités qu’il est possible de mesurer dans un cas déterminé, quelle serait l’évolution la plus probable de la situation ? Ne peut-on même pas concevoir un appareil d’État couvrant tous les systèmes de décisions politiques ? On peut rêver du temps où la machine à gouverner (en français dans le texte, note SD) pourrait venir suppléer — en bien ou en mal — à l’insuffisance actuelle évidente du cerveau lorsque celui-ci est concerné par la machinerie habituelle de la politique. » (Norbert Wiener, The Human Use of Human Beings, pp. 178-180).
Voir Slobodan Despot : « La machine à gouverner », Antipresse 243 du 26/07/2020.
À la lumière d’une expérience personnelle très intrigante — la psychose collective qui s’était emparée de la Serbie lors de l’inoffensive éclipse de Soleil du 9 août 1999, alors même que ce pays venait de subir sans affolement 78 jours de bombardements intenses de l’OTAN —, j’ai exploré les mécanismes du biais cognitif et fini par trouver une description très fidèle de l’hallucination covidienne dans un traité classique de psychologie des masses, Les deux vitesses de la pensée du prix Nobel Daniel Kahneman. Kahneman y décrit d’abord un réflexe de l’esprit humain qui constitue une porte d’entrée royale pour la propagande et l’endoctrinement : la « disponibilité » mentale mise en évidence par son collègue Paul Slovic. Slovic et son équipe avaient montré que notre démarche heuristique (notre acquisition de connaissances) était bien davantage influencée par la disponibilité des éléments d’information dans notre mémoire et notre conscience que par leur fiabilité ou leur véracité. La fluency ou l’aisance d’accès des informations est l’élément clef de la construction des certitudes ordinaires. On attribue au Dr Goebbels la traduction opérationnelle de ce principe dans cette formule restée célèbre : « un mensonge répété mille fois devient une vérité ».
C’est un autre psychologue américain qui a intégré ce mécanisme heuristique dans les phénomènes d’hallucination médiatique collective. La « cascade de disponibilité » décrit ces emballements où des événements au départ anodins finissent par occuper tout l’horizon de la conscience collective. Je cite le résumé qu’en donne Kahneman : « Dans certains cas, la couverture médiatique d’un risque captive un segment du public, qui devient alors agité et inquiet. Cette réaction émotionnelle devient ensuite un sujet en soi, qui sera à son tour abordé par les médias. »
« L’inquiétude ne fait que décupler et les esprits s’échauffent encore davantage. Parfois, le cercle vicieux est même délibérément créé par des “agents de disponibilité”, ces personnes ou ces organisations qui veillent à la circulation ininterrompue de nouvelles inquiétantes. Le risque est de plus en plus exagéré au fur et à mesure que les médias se disputent l’attention du public au moyen de titres accrocheurs. »
Couronnement de la manœuvre : l’inquiétude se mue en dogme et développe son idéologie propre. S’ensuivent nécessairement la purge des hérétiques et l’entrée en transe idéologique : « Le discours des scientifiques et de ceux qui tentent de dissiper les craintes et la révulsion grandissante suscite peu d’intérêt, mais beaucoup d’hostilité : quiconque ose affirmer que le risque est surévalué est soupçonné d’être affilié à un complot odieux. »
« La cascade de disponibilité a remis à zéro les priorités. Les autres risques et les autres manières de distribuer les ressources publiques sont passés à l’arrière-plan. »
Ce qui est décrit sous cette notion de « cascade de disponibilité » n’est autre que la dérive totalitaire — et cela nous rappelle que le totalitarisme n’est pas concevable sans l’appareil médiatique. Mais ce qui est plus intéressant encore, c’est la personnalité du chercheur qui a mis en évidence le phénomène, Cass Sunstein. De manière significative, Kahneman mentionne dans son livre une divergence entre le même Cass Sunstein et Paul Slovic sur la capacité de jugement des masses et celle des experts dans les situations de danger. Alors que Sunstein défend l’idée que les pulsions des masses doivent être encadrées par des experts éclairés, Paul Slovic soutient que « le public a une conception plus affinée du risque que les experts », il conteste donc « l’idée que les experts doivent diriger, ou que leurs opinions doivent être acceptées sans conteste lorsqu’elles entrent en conflit avec les opinions et les souhaits des autres citoyens. » (p. 140)
Voir Slobodan Despot : « Psychose, mode d’emploi (bases psychiques de la covidéologie) », Antipresse 264 du 20/12/2020.
Cette polémique entre expertocrates et démocrates recouvre en réalité la confrontation de deux visions de la société et de l’humain qui trouvera son expression la plus spectaculaire en 2016 dans la confrontation entre le populisme conservateur de Trump et la bobocratie « woke » du parti démocrate. Ce n’est pas le lieu ici de s’appesantir sur cet aspect très politique des choses, mais il est utile de rappeler que les États démocrates (bleus) et les États républicains (rouges) ont eu des manières radicalement opposées d’aborder la gestion du Covid, les bleus se distinguant par des mesures plus extrémistes, plus totalitaires et par des violations plus graves des libertés fondamentales.
Est-ce donc un hasard si le théoricien de la Cascade de disponibilité est ce même homme qui s’est distingué par une imagination machiavélienne dans la lutte contre la dissidence informationnelle, à l’origine liée aux enquêtes sur les attentats du 11 septembre ? Loin de se limiter à un rôle d’observateur et d’analyste, le professeur de droit Cass Sunstein a transformé ses connaissances scientifiques en un véritable art martial de la manipulation médiatique. En 2008, ce conseiller influent du président Obama a proposé à son administration une stratégie d’« infiltration cognitive » visant à discréditer les milieux dissidents en injectant dans leur communication des messages extrémistes et mettant en évidence ces excès dans les médias. C’est ainsi que la contestation des thèses officielles sur le 11 septembre, souvent rationnellement fondée, s’est trouvée débordée par des thèses loufoques affirmant, par exemple, qu’aucun avion n’avait jamais frappé les tours de Manhattan et que le public avait été trompé par des hologrammes. Et tous les covido-sceptiques qui ont pris part à des initiatives collectives ont vécu cette même expérience de se trouver soudain submergés et compromis par des hypothèses et des explications à dormir debout. C’est un fait totalement ignoré du grand public que l’« infiltration cognitive » de l’opposition intellectuelle ne résulte pas seulement d’un bouillonnement spontané de la dissidence, mais qu’elle procède d’un projet délibéré de brouillage et de pollution du débat. Procédé que les bots et les trolls professionnels des réseaux sociaux pousseront jusqu’à la saturation.
Est-ce encore un hasard si le même expert des guerres informationnelles a été engagé par l’OMS en 2020 non pas pour limiter la corruption médiatique liée au Covid, mais au contraire afin de la recadrer dans la bonne direction afin de « sauver des vies en modifiant les comportements » ?
Grand mandarin universitaire, le théoricien de la « cascade de disponibilité » et sculpteur de l’irrationnel médiatisé est un éminent représentant de la suprasociété américaine dans sa version mondialiste. Il est aussi, notons-le en passant, l’époux de Samantha Power, qui fut ambassadrice des États-Unis aux Nations-Unies sous la deuxième présidence Obama et qui administre désormais l’Agence américaine pour le développement international. Nous ne sommes pas ici sur les strapontins du pouvoir, mais dans son coeur même. Et ce pouvoir, comme on l’a vu dans nombre d’autres cas, s’appuie sur la maîtrise du discours médiatique, à usage intérieur comme dans l’aire globale.
La corruption des médias adossés au pouvoir est une chose. Mais la corruption du pouvoir adossé aux médias est une constellation d’une tout autre magnitude. Peut-être serons-nous ébahis de découvrir, un de ces prochains jours, que l’unanimisme grégaire des médias, la standardisation de leurs partis pris, le nivellement de leur langage et la disparition de leur distanciation culturelle et de leur esprit critique procédaient d’une homogénéisation et d’une intégration conscientes et systématiques, comme dans l’État orwellien ou zinoviévien de parti unique et de contrôle idéologique absolu.
Nous retombons ici sur les deux premières définitions de la corruption, évoquées tout au début. La première : « Rupture d’un ensemble, altération en général », décrit l’altération profonde et peut-être irrémédiable des médias par rapport à leur rôle premier ou plutôt à la mission éthique que la société démocratique moderne a cru devoir leur assigner. Aboutissant aujourd’hui, sous nos yeux, à la deuxième acception du terme de corruption, la plus organique : « décomposition putride ». Il est difficile de décrire autrement une société plus sensible aux illusions narratives qu’elle a tissées à son propre sujet et au sujet de la réalité qu’à la réalité elle-même. Cet apogée du pouvoir des médias annonce aussi leur chute. Les indices de confiance en baisse constante n’en sont de loin pas le seul indicateur. L’information de masse n’est plus de l’information, mais une liturgie du néant dans laquelle la communion est impossible à moins qu’on ait l’esprit parfaitement vidé ou endormi, or de plus en plus d’humains refusent d’entrer dans cette communion.
La vérité, on le sait, est une quand le mensonge a mille visages. Une information fondée sur la quête de la vérité rassemble alors qu’une information fondée sur la quête de contrôle et d’influence divise. Nous sommes déjà entrés dans un monde post-médiatique où une société jadis homogène a fait place à des féodalités narratives, les unes, majoritaires, assises sur l’utilitarisme, les autres, minoritaires, fondées sur la quête du vrai. Aujourd’hui déjà, les camps sont retranchés, les ponts sont levés et la communication entre ces mondes pratiquement inexistante. Cette opposition se traduira par une lutte à mort jusqu’à ce qu’un principe impérieux, de réalité ou de raison, s’impose par-delà les tranchées.
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Excellente analyse sur cette grande corruption de tous les pays complices…
Moi qui croyait que la Suisse était neutre de tout ce scandale ; je me suis lourdement trompé.
Bravo et Merci pour cet éclairage.