Sur nos écrans de télévision : La 317e section

Trouvé cet article de Jean-Gilles Malliarakis sur son site l’Insolent :

Chaque génération peut avoir vécu des phases critiques de l’histoire qui l’ont bouleversée, au risque de paraître incompréhensible aux suivantes.

Ainsi, dans ses très beaux Poèmes de Fresnes, Robert Brasillach, la veille d’être fusillé, rappelle un événement, considérable aux yeux de sa génération, ce 6 février 1934, qui explique tant d’engagements, et parfois d’errements, ultérieurs : « je pense à vous ce soir ô morts de Février »

Vingt ans plus tard, vint une nouvelle tranche d’âge parmi les jeunes Français qui avaient fait le choix, réprouvé par les bonnes consciences : celui du patriotisme. Nous voulions devenir les soldats, et nous ne nous retrouvâmes plus modestement que les militants de la Classe Soixante. Nous avions été, pour la plupart d’entre nous, déterminés par un autre drame, celui de la guerre d’Indochine.

Ne nous y trompons pas en effet : si la guerre d’Algérie a déchiré la conscience nationale, et si elle la trouble encore, y compris au sein de son armée, qui devrait constituer le sanctuaire de la Patrie, c’est dans le terreau du souvenir de la guerre d’Indochine que la révolte, celle des généraux d’avril 1961, celle des légionnaires et des parachutistes qui les ont suivis, puis celle des patriotes de l’OAS a pris racine. Un mot d’ordre vengeur sonnait à nos oreilles : celui « d’effacer Diên-Bien-Phû de l’histoire. »

Ayant prié pour eux avec ma troupe, étant alors un louveteau de 10 ans, notre imaginaire à tous se représentait les assiégés comme encerclés dans une « cuvette ».

En réalité, le district (« Phû ») de Diên-Bien était une plaine, d’une longueur de 17 km et d’une largeur de 5 à 7 km. Le choix stratégique était beaucoup moins absurde qu’on a voulu le dire, après coup, et que Jules Roy a cherché à en persuader les lecteurs du Monde dès février 1954. Deux données essentielles expliquent la défaite française : la carence de la couverture aérienne et l’intervention de la Chine communiste, omniprésente en sous-main aux côtés du Viêt-minh – comme elle l’avait été dans la guerre de Corée, en accord total avec Staline jusqu’à la mort de ce tyran en 1953.  Le chef viêt-minh Giap a écrit en 1950 : « La conception militaire du camarade Mao Tsé-toung a servi de base à nos directives. Le concours des camarades chinois à nos côtés sur le plan matériel et moral nous a été d’une grande utilité ».

On doit donc être reconnaissant, pour une fois, à la chaîne Arte d’avoir programmé ce 10 mai au soir un très beau film, « la 317e section », ce chef-d’œuvre est dû à Schoendoerffer. Ayant vécu la fin de l’Indochine française, l’auteur ne cache pas qu’il était peu préparé au règne, actuellement dictatorial, du féminisme décadent [1].

L’hypothèse guerrière comme la certitude de la mort sont soigneusement niées en ce XXIe siècle qui débuta pourtant avec les attentats du 11 septembre et multiplie depuis lors les conflits à balles réelles.

À un siècle de distance, en janvier 1922, Maurras le rappelait déjà aux thuriféraires d’Aristide Briand et de l’idéologie wilsonienne : « ce n’est pas avec du papier doré sur tranches qu’un peuple se défend » [2]. Il se référait alors à l’inanité des garanties données en 1839 à la Belgique indépendante. Et il citait l’héroïsme de ce peuple belge « sorti du tombeau après des siècles d’esclavage » en exemple du contraire des illusions de la prétendue communauté internationale. En ce début d’année 1922, l’Europe préparait la conférence de Gênes qui allait ouvrir la porte au traité de Rapallo entre le gouvernement allemand et le pouvoir bolchevik [3].

Les faux lettrés reprennent souvent à leur compte le mensonge historique selon lequel Byzance serait morte de son intellectualisme. Or, le prétendu débat sur le sexe des anges n’a jamais existé et repose sur un mythe sans fondement. La prise de Constantinople par les Turcs, fin tragique d’une histoire millénaire, a vu le dernier empereur, Constantin XI Paléologue, ayant combattu jusqu’au bout, tomber les armes à la main pour la défense de sa Cité trahie par les Occidentaux.

On préfère ne pas se demander, aujourd’hui en France, par comparaison, ce qui se passerait dans des circonstances analogues, où sont récusés les avertissements d’une armée contrainte de demeurer la Grande Muette.

Apostilles

[1] Le film sera rediffusé par la chaîne le 31 mai à 13h35. Il est accessible en vidéo à la demande ou en DVD.

[2] Cité dans son recueil Le Mauvais traité Tome II p. 61.

[3] Le traité fut signé en avril, par la Russie et les autres républiques communistes –l’Union soviétique ne vit formellement le jour qu’en décembre. Le chancelier allemand était Joseph Wirth ; son ministre des Affaires étrangères Rathenau sera assassiné par les nationalistes en juin. Les négociateurs soviétiques : Rakovski, Joffé et Tchitchérine.

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