En guise de salut : Venet ou les cornes de Versailles
Les grandes ferrailles incurvées qui encadrent en ce moment la perspective de l’accès au château de Versailles évoquent de monstrueuses cornes. Mais en vérité, cela fait plusieurs années que Versailles porte des cornes. Car son président – M. Aillagon – a trahi sa mission en utilisant systématiquement Versailles comme vitrine de ce qu’on appelle improprement l’art contemporain.
Le si mal nommé art contemporain n’a pas sa place à Versailles, car en règle générale ce n’est pas de l’art. C’est de l’anti-art, du non-art, du canular. Bref, n’importe quoi : tout sauf de l’art. En réalité, ce n’est qu’une affaire d’argent, de très gros argent. En mettant Versailles au service de cette imposture, M. Aillagon a trahi l’esprit de Versailles, craché symboliquement sur Versailles. Y imposer le prétendu art contemporain, c’est une insulte envers ce lieu prodigieux, une scandaleuse pollution de Versailles par des choses incongrues qui n’ont rien à y faire. Mais c’est un scandale délibéré. Car le prétendu art contemporain a besoin de scandale pour exister pleinement.
A la tête de Versailles, M. Aillagon a pratiqué un détournement de pouvoir : il a fait passer ses choix avant les devoirs de sa charge. De plus, il a imposé le prétendu art contemporain par des procédés totalitaires, faisant interdire aux conférenciers professionnels de critiquer l’intrusion du canul’art à Versailles, avec menace de mise au chômage en cas d’indocilité. M. Aillagon semble avoir oublié que le président de Versailles n’en est pas le maître : il ne doit en être que le premier serviteur. Au lieu de quoi, il s’est comporté comme si sa présidence de Versailles faisait de lui le Louis XIV de l’« art contemporain ».
Comme responsable de Versailles aussi bien que comme ministre de la Culture, M. Aillagon est apparu comme un serviteur infidèle. Il a trahi sa mission de ministre de la Culture en mettant en danger les cathédrales par une réduction drastique de leur budget de restauration. Si certaines cathédrales ont menacé ruine, c’est par la faute de M. Aillagon. Il a ainsi montré son profond désintérêt – pour ne pas dire son mépris – pour les trésors patrimoniaux de la France. M. Aillagon n’était pas à sa place comme ministre de la Culture. Il ne l’a pas été davantage comme président de Versailles.
M. Aillagon est officiellement un grand commis de l’Etat. Mais, derrière cette façade, il s’est en réalité comporté en grand commis du lobby de l’« art contemporain ». A la tête du château de Versailles depuis 2007, M. Aillagon y a largement servi les intérêts de milliardaires qui placent d’énormes liquidités dans les inepties des soi-disant artistes contemporains. Comme ils veulent que ces placements soient sûrs, et même fructueux, ces puissants magnats de la finance ou des affaires s’emploient à entretenir un niveau toujours plus élevé des prix de ces absurdités pseudo artistiques, dont ils possèdent des collections pouvant valoir des milliards d’euros ou de dollars. Pour cela, rien de plus efficace que d’exposer à Versailles ! Opérations publicitaires à l’échelle mondiale, les invitations à Versailles de Koons et consorts ont constitué un fabuleux cadeau de M. Aillagon à ses amis les milliardaires grands collectionneurs de ces aberrations, dont ils font à leur profit une gigantesque bulle spéculative.
Reste que le véritable responsable de tout ce gâchis est le président Sarkozy. Il aurait dû, après le scandale de l’exposition Koons en 2008, mettre le holà et exiger la démission de M. Aillagon. Du moins eût-il fallu ne pas renommer celui-ci en 2010 ! Le président de la République n’en avait d’ailleurs pas l’intention. Il avait promis la présidence de Versailles à M. Darcos, homme de vraie et grande culture, qui y aurait accompli un magnifique travail dans le respect de l’esprit de ce haut lieu de l’art et de l’histoire. Mais M. Aillagon, décidé à rester à tout prix, fit agir des groupes de pression extrêmement puissants qui arrachèrent au président de la République sa prorogation à la tête de Versailles.
Très négative pour Versailles, cette décision fut une faute politique grave de M. Sarkozy, qui lui a aliéné une portion non négligeable de son électorat naturel. Il y a bien des gens qui auraient volontiers voté pour lui en 2012, mais qui risquent de refuser leur suffrage à celui qui a permis à M. Aillagon de poursuivre à sa guise son scandaleux détournement de Versailles.
Certes, mieux inspiré cette fois – peut-être en raison de la relative proximité de l’élection présidentielle –, M. Sarkozy vient de refuser une nouvelle reconduction à M. Aillagon, en dépit de ses pressions et récriminations. On ne peut que s’en réjouir. Mais la nouvelle présidente aura-t-elle la volonté et le courage de faire cesser l’insupportable outrage fait à Versailles en mettant fin aux « aillagonneries » ? Son choix aura une incidence certaine sur les résultats électoraux de M. Sarkozy.
Jean-Louis Harouel *
* Professeur à l’Université de Paris II, auteur de La grande falsification. L’art contemporain, Editions Jean-Cyrille Godefroy.
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