Qui veut la peau de l’hôpital public ?

La crise du Covid a mis à nu l’état lamentable de notre hôpital public. Aucune politique ne semble capable de cautériser l’hémorragie généralisée de soignants, de médecins, de moyens, de lits… Pour le Dr Louis Fouché, notre système de santé, bercé par le mirage d’une médecine algorithmique transhumaniste, est voué à l’effondrement.

Valeurs actuelles. Louis Fouché est médecin réanimateur, spécialisé en éthique et anthropologie de la médecine, auteur de Tous résistants dans l’âme et d’Agonie et renouveau du système de santé, un essai sur les transformations en cours dans notre système du soin. Il est aussi coauteur du film Tous résistants dans l’âme, en salles actuellement.

Après les soignants, c’est au tour des médecins de battre le pavé. Des décennies de plans blancs, de Ségur, d’injection de “pognon de dingue”… ne parviennent pas à soigner les maux dont souffre notre hôpital. Le mal est-il si profond que les gouvernements successifs semblent impuissants, ou organisent-ils sciemment, comme vous semblez le penser, la sape de notre système de santé ? Dans quel but ?
Dr Louis Fouché. En 2014, au Collège de France, Claude Le Pen, professeur d’économie, parlait de l’évaluation en santé. Une phrase m’est restée : « Nous sommes là pour liquider le modèle artisanal de la médecine. » Sous-entendu, il faut un modèle industrialisé, normatif et rentable de production et de consommation de biens et services de soins.

Les politiques sont là pour faire advenir un programme d’optimisation des sociétés décidé à l’avance par des financiers extrêmement organisés. Ils sont les marionnettes d’un système de corruption mafieux absolument éprouvé. Les multinationales du médicament et du numérique, épaulées par leurs opérateurs financiers, sont aux manettes.

Accaparer le marché juteux de la santé est un enjeu considérable.

Chaque année, à Chamonix, une réunion huppée réunit ceux qui décident du futur de notre système de santé. La fine fleur des ministères et quelques chefs de services ronflants rencontrent les investisseurs du médicament, du numérique et de la finance, pour recevoir leur feuille de route. Le programme est simple : mettre en place la santé digitale. Cela suppose la destruction préalable du système de santé. Le corps est une machine qu’il faut optimiser. Les soignants humains sont toujours imparfaits. C’est l’implacable algorithme qui va vous soigner. L’enjeu est idéologique mais surtout économique. Accaparer le marché juteux de la santé est un enjeu considérable.

La chute symbolique du médecin est une condition d’un soin algorithmique efficient et rentable.

D’artisanat, la médecine est désormais devenue science, voire religion. Comment l’Evidence Based Medicine et ses algorithmes ont-ils d’une part, prolétarisé les soignants, d’autre part, favorisé l’émergence des industries pharmaceutiques ?

La science biomédicale est devenue un dogme agressif et borné : le scientisme. La science, c’est le doute et la contradiction. L’observation renouvelée et le constat de réalité jettent à bas la modélisation théorique qu’on avait jusqu’ici acceptée. Le scientisme défend son dogme contre le réel.

La chute symbolique du médecin est une condition d’un soin algorithmique efficient et rentable. Les soignants ne doivent plus être un contre-pouvoir. Les vieux mandarins sont transformés en dociles moutons. Ils sont expropriés de la capacité à générer du savoir. L’Evidence Based Medicine prend le pouvoir de dire le vrai. Elle s’est affranchie de l’expérience des cliniciens et des patients. Les multinationales du médicament et de la data possèdent l’édition scientifique. Elles sont juge et partie dans l’établissement du vrai. La recherche publique indépendante est devenue inexistante.

La tarification à l’acte aurait également précipité l’effondrement de notre système de santé. Les médecins seraient donc complices de cette sape ?

Avec la T2A, plus les structures de soins réalisent d’actes et plus ils sont invasifs, mieux elles sont remboursées. Il s’ensuit une incrémentation exponentielle des actes de soins et une redirection vers les mieux remboursés. La prévention n’a pas sa place. Rester en santé devient un non-sens économique. L’impasse d’un système par répartition est ainsi générée. Le tapis rouge est déroulé pour les opérateurs privés d’une santé par capitalisation, à l’américaine. Les structures de soins et les praticiens sont dans une incessante préoccupation à monétiser au mieux un séjour hospitalier ou une consultation.

« Il n’est tout simplement plus possible de croire une grande partie des recherches scientifiques qui sont publiées ; ni de se fier au jugement de médecins de confiance ou à des directives médicales faisant autorité. »

De la publication des recherches scientifiques à la création d’un médicament, l’ensemble de la chaîne de production serait, selon vous, corrompu. Vous qualifiez même ce système de mafieux… En quoi ressemble-t-il à une mafia ?

Marcia Angel, rédactrice en chef du New England Journal of Medicine, écrivait : « Il n’est tout simplement plus possible de croire une grande partie des recherches scientifiques qui sont publiées ; ni de se fier au jugement de médecins de confiance ou à des directives médicales faisant autorité. » L’éditeur en chef du Lancet, Richard Horton, a écrit que la majorité de la publication scientifique médicale n’était désormais plus destinée à mieux comprendre les maladies et leurs traitements mais à justifier la vente des produits de l’industrie pharmaceutique.

Richard Smith, ancien rédacteur en chef du British Medical Journal , explique que les revues médicales sont le prolongement des départements marketing des industries du médicament. En 2013, il écrit : « Il est en effet effrayant de voir combien de similitudes il existe entre cette industrie et la mafia. La mafia gagne des sommes d’argent obscènes, tout comme cette industrie. Les effets secondaires du crime organisé sont des meurtres et des morts, tout comme dans cette industrie. La mafia corrompt les politiques, tout comme cette industrie… » Le livre de Peter Gotzsche, Remèdes mortels et crime organisé , qui a reçu en 2014 le premier prix de la British Medical Association, décrit que les pratiques frauduleuses, la corruption et les amendes qui en résultent pour les industries pharmaceutiques sont en fait intégrées à leur business model, au mépris manifeste et répugnant de la vie et de la santé humaine.

​Face au manque criant de soignants, il est difficile de comprendre le maintien de la suspension de ceux qui ont refusé les injections contre le Covid. Leur mise au ban de la société fait-elle partie du plan ?

La députée européenne Michèle Rivasi a officiellement parlé au Parlement européen de 130 000 concernés par la loi du 5 août. Cela n’a aucun sens. Ni scientifiquement, ni éthiquement, ni économiquement, ni pragmatiquement. Il y a aujourd’hui des drames humains qui se nouent. Des gens se retrouvent pour de bon à la rue ou contraints au suicide. Est-ce la société que nous voulons ?

Diligents citoyens ! Vous avez été trompés. Il n’est pas trop tard pour le réaliser.

Je laisse à ceux qui se targuent de science le soin de chercher par eux-mêmes les effets secondaires et toute leur gravité. L’ANSM en France, Eudravigilance pour l’Europe, le Vaers aux États-unis les publient. Diligents citoyens ! Vous avez été trompés. Il n’est pas trop tard pour le réaliser.

Les associations de victimes d’effets secondaires se multiplient et sont actives partout. Les médias de grand chemin les censurent, mais c’est une réalité. Cancers galopants, thromboses, myocardites, jeunes femmes ayant perdu leurs cycles menstruels, et peut-être leur fertilité, sont constituées en collectifs, comme “Où est mon cycle ?”, pour établir justice et vérité.

Nos institutions sont prises dans les contradictions d’une soumission économique et idéologique à un transhumanisme “wokiste”

Le film de Fabien Moine, les initiatives artistiques, les témoignages colligés par le collectif Les Essentiels sont autant de mémoires. Le syndicat Liberté Santé s’est créé pour soutenir les suspendus. Cette situation est intenable et ne cherche qu’à justifier de mensonges passés.

Nos institutions sont prises dans les contradictions d’une soumission économique et idéologique à un transhumanisme “wokiste” de bas étage qui divise la société. Les libertés fondamentales, l’inviolabilité du corps et le consentement : toutes les règles éthiques qui jusqu’ici nous structuraient se trouvent bafouées.

Quant aux médecins, leur cri d’alarme semble résonner dans le vide…L’avènement de l’e-santé et de ses big data chercherait-il tout bonnement à les faire disparaître ?

Il est très difficile désormais de trouver un médecin, de juste se faire soigner. Les cas révoltants de patients ayant attendu pendant des jours sans avoir à manger et ayant fini par en crever se répètent. Cette incurie généralisée rappelle la fin lasse du soviétisme. Pendant ce temps, des directeurs d’hôpitaux formatés vantent l’e-santé et l’innovation, comme un remède à la désertification médicale et au naufrage hospitalier. Cette médecine simplifiée et déshumanisée est la fin qui justifie d’avoir désossé l’un des plus efficients systèmes de santé. L’e-santé est un outil d’asservissement dans les mains de quelques puissants. La data-driven health est comme la data-driven factory, une déshumanisation programmée.

Notre société est malade. L’obésité, le diabète et les comorbidités sont devenus des fléaux incontrôlés.

En quoi peut-on dresser un parallèle entre le Covid et les politiques de développement durable ?

Pour le Covid, certes, il y a eu épidémie et victimes, mais nous avons été conduits, par une propagande organisée d’État effarante de la peur, à faire l’inverse de ce qu’il fallait. Nous avons été focalisés sur des problématiques annexes. L’épidémie a été résumée par des tests, des courbes. Mais à la vérité, notre société est malade. L’obésité, le diabète et les comorbidités sont devenus des fléaux incontrôlés.

La question n’est pas d’éradiquer toujours plus nos microscopiques ennemis. La question est de travailler à qui nous sommes et comment nous nous enracinons, en interaction diplomatique avec le monde qui nous entoure. La gravité du Covid a été largement amplifiée et surjouée. Des solutions idiotes et toxiques ont été imposées, aggravant encore les choses. La question climatique est similaire. Entendons-nous bien, il y a un vrai problème entre le consumérisme néolibéral mondialisé et l’environnement. Et je ne saurais le nier. Nous en sommes rendus à un écocide majeur. La surconsommation est en prédation permanente sur l’ensemble du vivant. Mais dans la narration officielle, il n’est question que de carbone et de degrés Celsius. C’est la même réduction simpliste d’une problématique complexe que pour le Covid.

Les solutions proposées comme les éoliennes, les voitures électriques, le passe climatique sont à côté de la plaque. Une grande peur, non plus blanche mais verdâtre, menée par les mêmes pervers, est une bonne excuse pour détruire le tissu des petits artisans et étendre une immense et totale uberisation. Quel hold-up à peine masqué par des multinationales de toutes nos libertés !

Le mythe du progrès oublie que l’ancien et le neuf sont parties liées.

À vous lire, la faillite est planifiée, organisée, orchestrée, et pas seulement dans le domaine de la santé… Que pouvons-nous faire face à la « folie totalitaire algorithmique » , comme vous la nommez ? Peut-être est-il vain et “réac” de vouloir s’opposer à la marche progressiste du monde…

Nous sommes dans un déferlement totalitaire. Michel Foucault en a parlé, avec le biopouvoir. Agamben l’a décrit avec l’Homo sacer. Hannah Arendt a prévenu de l’atomisation des individus. Tout devient consignes et règles, barrières et confinements, pour optimiser le cheptel. La culture est brûlée, en autodafé permanent. Vous êtes du bétail dans la tête et les mains des puissants.

Le mythe du progrès oublie que l’ancien et le neuf sont parties liées. L’“enracinement dynamique” dépasse un progressisme qui voudrait éradiquer l’héritage. Tout a déjà été vécu et décrit. Nous ne faisons que réinterpréter toujours la même histoire. Il faut se souvenir. Pour ici et maintenant, réussir à mieux voir.

À travers la tempête qui disloque nos mondes, il y a beaucoup à récupérer des décombres pour dresser près de nous une bulle de cohérence. Bien cramponnés à nos espars, nous devons refaire un fier navire qui cherche une terre de paix.

« Je n’ai pas la force, tout petit individu que je suis, de m’opposer à l’énorme machine totalitaire du mensonge, mais je peux au moins faire en sorte de ne pas être un point de passage du mensonge », disait Alexandre Soljenitsyne…

Malgré tous nos désaccords, nous sommes frères et sœurs humains à devoir vivre ensemble. Cela ne veut pas dire un consensus mou et lâche ou un refus des désaccords. Il existe quelque part le possible d’un dissensus qui soit non violent et fécond.

Il est grand temps d’ouvrir les bifurcations qui renouent aux anciens et au vernaculaire. Nous sommes à la croisée des chemins, il faut œuvrer à poser les institutions désirables. Pour l’école, la monnaie, l’agriculture, l’université, les médias, la démocratie, et la belle santé… ce qui émerge redonne l’espoir et l’envie de construire. La crise, dans les idéogrammes chinois, est aussi l’opportunité.

Agonie et renouveau du système de santé, du Dr Louis Fouché, Exuvie Éditions, 240 pages, 19 €.

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