Excellent film poétique et violent. Victor Hugo a été servi fidèlement. Remercions le metteur en scêne. Et saluons l’humour du père Victor, le héros parfaitement joué par Depardieu s’appelle Ursus comme ours et le loup Homo….Les deux enfants recueillis par Ursus sont l’un mutilé et l’autre aveugle.
« Je représente l’humanité telle que ses maîtres l’ont faite. L’homme est un mutilé. Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l’intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement »
En plus du parallèle entre la mutilation de Gwynplaine et la nature humaine, Victor Hugo aborde ici le thème de la misère, récurrent dans son œuvre. Il dénonce d’une part l’oisiveté excessive d’une noblesse qui par ennui se distrait de la violence et de l’oppression, mais aussi la passivité du peuple qui préfère rire et se soumettre. C’est dans cette perspective que le livre est rempli de longues descriptions des richesses, titres et privilèges de cour.
Ecoutons le discours de Gwynplaine à la Chambre des Lords :
« Alors vous insultez la misère. Silence, pairs d’Angleterre! juges, écoutez la plaidoirie (…) Ecoutez-moi je vais vous dire. Oh ! puisque vous êtes puissants, soyez fraternels ; puisque vous êtes grands, soyez doux. Si vous saviez ce que j’ai vu ! Hélas ! en bas, quel tourment ! Le genre humain est au cachot. Que de damnés qui sont des innocents ! Le jour manque, l’air manque, la vertu manque ; on n’espère pas et, ce qui est redoutable, on attend. Rendez-vous compte de ces détresses. Il y a des êtres qui vivent dans la mort. Il y a des petites filles qui commencent à huit ans par la prostitution et qui finissent à vingt ans par la vieillesse. Quant aux sévérités pénales, elles sont épouvantables. (…) Pas plus tard qu’hier, moi qui suis ici, j’ai vu un homme enchaîné et nu, avec des pierres sur le ventre, expirer dans la torture. Savez-vous cela ? non. Si vous saviez ce qui se passe, aucun de vous n’oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à New-Castle-on-Tyne ? Il y a dans les mines des hommes qui mâchent du charbon pour s’emplir l’estomac et tromper la faim. Tenez, dans le comté de Lancastre, Ribblechester, à force d’indigence, de ville est devenue village (…) En Caernarvon, à Traith-maur comme à Traith-bichan, l’épuisement des pauvres est horrible. A Strafford, on ne peut dessécher le marais, faute d’argent. Les fabriques de draperie sont fermées dans tout le Lancashire. Savez-vous que les pêcheurs de harengs de Harlech mangent de l’herbe quand la pêche manque ? Savez-vous qu’à Burton-Lazers, il y a encore des lépreux (…)? »